Biocarburants : une fausse-bonne idée ?
Qu'appelle-t-on biocarburants ? Il s'agit de combustibles utilisables dans les moteurs à explosion, mais issus de la transformation des sucres ou des huiles d'origine végétale. Deux types de carburant dérivent de ces deux sources : les sucres ou amidons (canne à sucre, betterave, blé) transformés en alcool (éthanol) sont destinés aux moteurs à essence et les huiles (colza, tournesol, palme) sont dédiées aux moteurs diesels (biodiesel).
Ces carburants dits "bio" ne sont pas une nouveauté : de 1920 à 1960, l'éthanol a été un complément à l'essence couramment utilisé. Leurs vertus sont nombreuses. Ils sont produits sur le sol national et créent des emplois dans l'agriculture. Ils sont censés émettre moins de gaz à effet de serre et notamment de particules, de composants aromatiques et de gaz carbonique que les carburants fossiles - 60 % de CO2 en moins pour le biodiesel, 70 % pour l'éthanol.
Les objectifs gouvernementaux sont-ils atteignables ? L'Union européenne avait fixé, en 2003, des objectifs indicatifs de consommation de biocarburants : 2 % de la consommation totale de carburants en 2005, puis 5,75 % en 2010 et 7 % en 2015. Le gouvernement Villepin a décidé, en septembre 2005, d'avancer les 5,75 % en 2008 et d'atteindre 7 % dès 2010.
La difficulté ne viendra pas de la filière agricole qui peut consacrer les superficies nécessaires aux végétaux requis, notamment grâce aux jachères. En revanche, la France part de loin : l'éthanol et le biodiesel français représentent moins de 2 % de la consommation totale de carburants et les usines de transformation sont encore en construction ou en projet.
Les pétroliers préféreraient miser sur la filière biodiesel, en raison de leur insuffisance de raffinage en matière de gazole. Jusqu'à présent, ils rechignaient à augmenter les proportions de biocarburants dans l'essence (5 %, 15 %, 30 % et surtout le fameux E85 qui incorpore 85 % d'éthanol) ou le gazole.
Les biocarburants sont-ils rentables ? Sauf au Brésil où les subventions ont totalement disparu, la réponse est non. Partout, les Etats sont obligés de détaxer en totalité ou en partie le carburant, d'accorder des crédits d'impôts pour l'achat de voitures adaptées ou d'aider à financer des usines de transformation des végétaux afin de mettre le biocarburant à portée de bourse. En 2005, cette défiscalisation a coûté 200 millions d'euros au budget français. Le bilan pour les consommateurs n'est pas optimal : lorsque les automobilistes suédois paient 0,80 centime d'euro le litre de mélange E85, au lieu de 1,30 pour l'essence, c'est 30 % à 40 % de carburant qu'ils consomment en plus.
Pourtant la poussée du prix du baril de brut améliore la compétitivité des sources d'énergie "vertes". Ainsi, peut-on lire dans l'ouvrage Les Biocarburants (IFP Publications, éditions Technip) : "A 400 euros la tonne d'huile, le biodiesel devient compétitif avec un gazole produit à partir d'un brut à 60-65 dollars le baril." Les agriculteurs français qui s'étaient montrés a priori favorables aux biocarburants découvrent qu'ils seront astreints à une logique industrielle et à des fluctuations de prix qui les inquiètent.
Le bilan environnemental des biocarburants est-il bénéfique ? Ils émettent moins de ces gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement du climat. Mais tout dépend de la façon dont ils ont été produits, car leur fabrication consomme, elle aussi, des énergies fossiles.
D'autre part, les engrais, pour faire pousser les grains ou les betteraves, peuvent libérer de l'oxyde d'azote trois cents fois plus nocif que le gaz carbonique.
Les deux filières de biocarburants les plus protectrices de l'environnement sont la canne à sucre, dont la tige peut être brûlée pour l'opération de distillation, et la lignocellulose (bois, paille, herbe), dont le développement a été privilégié par l'administration Bush.
source : Lemonde.fr